Habemus Amazoniam : le pape et l'Amazonie

Bom dia! Je suis Hugo et j'ai créé cette newsletter pour vous emmener comprendre l’Amazonie avec les gens qui y vivent. Dans cette édition, je vous parle du pape, d'écoute attentive et du verbe amazoniser.

Station Amazonie
4 min ⋅ 30/04/2025

Depuis la semaine dernière, les cardinaux affluent du monde entier pour participer au conclave et élire le nouveau pape. 

Aujourd’hui, je reviens sur un autre exercice démocratique de la vie ecclésiastique et l’un des moments clés des douze années du pontificat du pape François. 

À la fin du reportage, ne loupez pas la recô amazônique.

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En octobre 2019, le souverain a réuni pendant 21 jours à Rome le Synode pour l’Amazonie. Ordre du jour : construire le futur de l’Église en Amazonie. 

Le pape François avait déjà publié en 2015 le Laudato Si, quelques mois avant la signature des accords de Paris. Dans ce texte, sous titré “pour la sauvegarde de la maison commune”, il défendait une approche intégrale de l’écologie. 

En visite au Pérou, en 2018 (c) Cris BouroncleEn visite au Pérou, en 2018 (c) Cris Bouroncle

L’étude des écosystèmes ne pouvant se réduire à la science, Il élargissait ce paradigme pour inclure l’éthique et la spiritualité dans l’analyse de nos relations avec la nature. 

Dans la continuité de ce travail de réflexion, le Synode de l’Amazonie a réuni 185 personnes, religieux et laïcs, représentants de peuples autochtones, scientifiques et acteurs du terrain.

Le principal défi lors du Synode - et aussi sa principale opportunité - a été de faire une synthèse entre la science, la spiritualité et la justice sociale

L'écologue et chercheuse Ima Vieira (c) archives personnellesL'écologue et chercheuse Ima Vieira (c) archives personnelles

Ima Vieira est écologue et chercheuse à l’institut Emilio Goeldi à Belém. Elle identifie, prévoit et analyse l’impact des activités humaines sur l’environnement. 

Membre de l’académie brésilienne des sciences, son expertise est reconnue et souvent sollicitée par les décideurs. Elle a ainsi intégré l’équipe de transition qui a préparé la gouvernance du président Lula. 

Le pape François l’a invité à participer au Synode. Elle m’a raconté les coulisses de cet évènement.

Une approche originale pour promouvoir une écoute attentive 

Pour faire dialoguer des manières radicalement différentes de voir les choses (religieux, scientifiques et populations locales), l’Église a mis en place une méthodologie originale. 

Tout d’abord, en amont, ce sont plus de 80 000 personnes de l’Amazonie qui ont été interrogées lors d’un vaste processus de consultation. (Le contraire de Ford, j’en parlais dans cet article). 

Ensuite, lors du Synode, les échanges étaient rythmés d’une manière bien particulière. Pendant les assemblées générales,

Il y avait toujours quatre interventions de quatre minutes à la suite, suivies par une période de réflexion individuelle en silence pendant quatre minutes

Des moments d’échanges directs de de débats avaient également lieu en petit groupe. 

La promotion de cette écoute active a permis a des gens de langue, de culture et de spiritualité différente de s’entendre. 

Ouverture Synode (c) VaticanOuverture Synode (c) Vatican

Le pape François affirmait lors de son discours d’ouverture que “nous devons nous approcher des peuples d’Amazonie sur la pointe des pieds, en respectant leur histoire, leurs cultures et leurs manières de vivre”. 

Pour la scientifique,

En préférant l’écoute au discours, le silence réflexif au débat immédiat, et en donnant le même temps de parole aux représentants autochtones et aux représentants de l’Église, le Synode a établi un modèle de dialogue interculturel véritablement innovant.

Réinventer le rôle de l’Église 

Mariage des prêtres, rôle des femmes, pêché écologique, exploitation des minerais, déforestation illégale : les thèmes abordés ont été nombreux. 

Le pape était présent lors du Synode, écoutant et participant aux échanges.

Comme il l’a dit à un moment, pour lui, les pratiques prédatrices en Amazonie reflètent une mentalité totalitaire qui dérobe tant à la nature qu’aux peuples autochtones. En opposition frontale avec le message chrétien.

D’après la chercheuse, c’est l’un des héritage clé de cet évènement : l’Église catholique s’est appropriée le concept d’écologie intégrale qui fait le lien entre protection de l’environnement et justice sociale.

Déjà, avec son Laudato Si, l’encyclique publiée en 2015, le pape avait surpris les catholiques. Pour la première fois, la plus haute autorité catholique faisait de la protection de l’environnement un enjeu spirituel. 

Comme Ima Vieira le décrit, avec le Synode,

l’Église a cherché à réinventer son rôle en Amazonie - non plus comme une institution qui vient convertir, mais comme une communauté qui apprend au contact des peuples de la forêt et qui se laisse convertir aux savoirs qu’ils détiennent. 

Amazoniser l’Église et le monde 

Il est difficile de mesurer l’impact de ce Synode. Pour autant, au moins sur le papier, des perspectives nouvelles - et assez révolutionnaires - ont été dessinées. 

La scientifique a contribué, à la suite de ces échanges, à la rédaction des 10 commandements du Synode pour l’Amazonie

Le premier d’entre eux stipule la chose suivante : 

Tu amazoniseras l’Église de manière à accueillir les cultures et les traditions amazoniennes comme expression de l’esprit de Dieu qui conduit les peuples et la vie

Amazoniser est utilisé ici comme un verbe d’action qui appelle à connaître l’Amazonie et à faire connaître les expériences amazoniennes. 

De manière concrète, pour l’Église, c’est un appel à adapter sa hiérarchie ecclésiastique et sa liturgie aux pratiques et cultures locales. C’est aussi un appel à revoir la relation construite avec les spiritualités et les pratiques religieuses locales et non catholiques. 

Cette idée d’inversion de la conversion (“se laisser convertir”) dépasse le champs religieux. 

Pour Ima Vieira, l’approche méthodologique (l’écoute avant le discours) et conceptuelle (l’écologie intégrale) du Synode peut être une source d’inspiration pour tous. 

Dans la perspective de la COP30, l’héritage du Synode réside dans l’idée que l’Amazonie n’est pas seulement une ressource qui doit être exploitée, mais un espace qui exige respect et soin. L’écologie intégrale propose que toutes les décisions sur le climat et le développement soient guidées par une vision qui intègre la justice sociale, la connaissance scientifique et la responsabilité éthique. 

Avant la COP aura lieu le conclave, qui s’ouvrira le 7 mai. Un nouveau pape sera élu. 

Carbon brief, un média anglophone dédié au climat, a passé en revu les positions climatiques des candidats au poste. 

Pietro Parolin, le favori, a ratifié les accords de Paris en tant que ministre des affaires étrangères du Vatican. Il a décrit la destruction de l’environnement comme une “offense faite à Dieu”. 

Dans le même temps, en 2024, à la COP de Baku, sa délégation a été accusée par des diplomates de s’entendre avec l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Russie pour bloquer les discussions sur le genre. 

La suite au prochain pontificat. 

La semaine prochaine : Je vous parlerai d’Amazonie (!).

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Ailton Krenak est journaliste, philosophe, membre de l’Académie brésilienne des Lettres.
Membre du peuple Krenak, il est un activiste de la première heure.

Son discours à la tribune du congrès lors de l’Assemblée constituante de 1987 a marqué les esprits et l’histoire. À la sortie de la dictature, le pays définissait alors les règles qui allaient régir la jeune démocratie brésilienne.

Ailton Krenak était venu défendre l’inscription des droits des peuples autochtones dans la constitution. Il est l’auteur de nombreux livres. L’un d’eux, Idées pour retarder la fin du monde est devenu un phénomène de société.

Son livre traduit en français est malheureusement épuisé. Mais hier (mardi 29 avril), il était invité au Collège de France pour faire une conférence.

Le titre de son intervention : pour une florescidade et une florestania, habiter la Terre à l’Anthropocène.

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Par Hugo Kloëckner

La première fois que je suis allé en Amazonie, je rêvais d’aventure. J’avais été biberonné au Marsupilami et aux documentaires. Je suis tombé de haut.

Cette chute, je l’ai tant aimée, que je suis resté en Amazonie. Je suis basé à Belém depuis cinq ans. Station Amazonie est le prolongement de ce projet de vie.

Diplômé d’HEC, passé par le conseil et le monde de l’entreprise, je suis aujourd’hui indépendant et travaille comme consultant et interprète.


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