c'est quoi l'urbanisme amazonien ?

Bom dia! Je suis Hugo et j'ai créé cette newsletter pour vous emmener comprendre l’Amazonie avec les gens qui y vivent. Dans cette édition, nous parlerons d'urbanisme, de l'antiquité à nos jours.

Station Amazonie
4 min ⋅ 02/07/2025

Ce mois de juin, j’ai manqué, par trois fois, à notre rendez-vous hebdomadaire. La COP approche à grand pas et toute la ville, moi y compris, se trouve un peu submergée de travail. Et ça ne risque pas de s’améliorer.
Je prends un plaisir immense à écrire cette newsletter alors je tâcherai de garder le cap.
Soyez donc prévenu : Station Amazonie continue d’être officiellement hebdomadaire mais il arrivera que je fasse faux bond.

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“L’Amazonie était déjà adaptée. Il faut arrêter de dire qu’il faut qu’on s’adapte face au changement climatique. La vérité, c’est que nous devons nous réadapter”

Cette analyse de la sociologue Ana Carolina Lourenço (également directrice de l’Institut Culture, Communication et Incidence) a fait mouche auprès du public venu assister à la 4ème Rencontre des villes. Cet évènement dédié à l’urbanisme par le Laboratorio da cidade (le laboratoire de la ville) s’est tenu à Belém en mai 2025. 

Localisée dans une des principales métropoles amazonienne, cette organisation, créée en 2017, est une fabrique d’idée et de pratiques pour construire des villes durables, démocratiques et résiliantes. 

Pour sa quatrième rencontre annuelle et pour nourrir la réflexion, le Laboratorio da cidade a convié un spécialiste du passé amazonien : l’archéologue Eduardo Go Neves. 

“En Amazonie, les pierres étaient très peu utilisées : les structures étaient faites de terre. Pendant longtemps, on a pensé que ces structures étaient naturelles. Depuis 30 ans, on sait qu’il s’agit en fait d’architecture humaine”

Contrairement à ce qu’on a longtemps pensé, l’Amazonie est occupée et façonnée par les humains (j’en parlais dans cet article) depuis des millénaires.

On estime ainsi qu’il y avait, au moment de la colonisation entre 8 et 10 millions d’autochtones en Amazonie, contre 1,5 millions à la même époque au Portugal. 

Ni Eden tropical ni Enfer vert, l’Amazonie est un territoire qui était aménagé par les populations qui l’habitaient. Et notamment des villes. 

“Santarém est probablement la ville la plus ancienne du Brésil. Les premières traces d’occupation remontent au IIIème siècle.”

Cette ville, située au bord des fleuves Tapajos et Amazone, concentre aujourd’hui 300.000 habitants. Officiellement fondée par les jésuites en 1661, elle était en fait depuis des centaines d’années un centre politique, économique et religieux, peuplé par des milliers d’autochtones. 

Carvajal, auteur du récit de la première incursion européenne dans la région, relate que leurs bateaux ont été attaquées par deux immenses flottes de canoës lorsqu’ils sont passés dans la région. 

“En Amazonie, les traces d’occupation urbaine sont enfouies dans le sol. Il faut aussi penser le sol comme un paysage”

L’utilisation de la technologie permet aujourd’hui d’identifier un nombre toujours croissant de sites archéologiques. Ces trouvailles viennent confirmer non seulement l’ancienneté de l’occupation humaine mais aussi la complexité de l’aménagement du territoire. 

“Avec l’utilisation de nouvelles technologies, il est de plus en plus évident qu’il existait des routes en Amazonie. Les gens ne se déplaçaient pas seulement en canoës. À la saison sèche, les rivières étaient souvent asséchées”

Lancé en 2023, le projet Amazonia revelada (l‘Amazonie révélée), coordonné par l’archéologue, a permis, grâce à la télédétection par laser (Lidar), de cartographier les reliefs du sol, en 3D et avec une très grande précision. (Plus de détail dans cet article)

Il existait un dense réseau de chemin qui permettaient de se déplacer à pied sur de longues distances. 

Déjà, en 1562, le capitaine Altamirano, le chroniqueur de l’expédition de Lope de Aguirre (et qui a inspiré le film Aguirre ou la colère des dieux de Werner Herzog) racontait qu’il avait pu marcher sur une route sur plus de 200 km, en partant du fleuve Solimões.

Ce projet a aussi permis d’identifier des milliers de sites archéologiques et plus particulièrement des zones qui ont été visiblement intensément peuplées et modifiées. 

Dans l’imaginaire occidentale, la ville, c’est New-York ou Paris. 

“L’urbanisme ancien en Amazonie s’inscrivait dans un continuum allant de villes à des implantations plus éphémères, mais marquées par une occupation répétée.”

L’agriculture en Amazonie se caractérise par sa grande diversité : le peuple Kayapo, par exemple, cultive encore aujourd’hui 56 types différents de patate douce. 

“La même logique s’applique aux villes : il n’y avait pas un seul type de ville. Il faut sortir de cette définition par check-list et considérer l’urbanisme comme un processus”.

S’inspirer de l’exemple de l’urbanisme amazonien pré-colonial pourrait être une piste pour faire face au changement climatique. 

Belém sera la deuxième ville la plus chaude du monde en 2050, selon une étude du Washington Post. 

Belém est l’une des dix villes les moins arborisées du Brésil, selon l’IBGE (l’INSEE brésilien). 

D’après une analyse menée par le site Infoamazonia, dans certaines zones urbaines de la capitale paraense, les températures sont plus élevées de 10 degrés par rapport à l’île du Combu, à quelques kilomètres de là. 

L’île du Combu, qui fait officiellement partie de la municipalité de Belém, est couverte par une végétation dense et est habitée par des ribeirinhos, une population traditionnelle dont le mode de vie repose sur la pêche et l’extrativisme forestier. 

C’est là notamment que vit et travaille Dona Nena, la chocolatière auxquels les présidents Macron et Lula ont rendu visite en mars 2024. Je parlais de son travail dans cet article. 

Entre les building du quartier d’Umarizal et les maisons sur pilotis de l’île du Combu, le contraste est fort. Et pourtant, ces deux formes d’habitats coexistent au sein d’une même municipalité, celle de Belém. 

Durant la dernière COP de Dubaï en 2023, la ville hôte est devenue un sujet en soi : ses excès, ses ambitions, ses coutumes et son mode de vie ont été analysés dans le monde à la lumière des enjeux climatiques. Dubaï est devenue en quelque sorte une métaphore utilisée pour illustrer ce que chacun peut désirer, ou pas, pour la ville de demain.

Et si on renouvelait l’exercice avec la COP de Belém ? 

La capitale amazonienne est elle aussi, à sa manière, un laboratoire à ciel ouvert de la mondialisation et de la cohabitation des humains et de la nature. 

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Station Amazonie

Par Hugo Kloëckner

La première fois que je suis allé en Amazonie, je rêvais d’aventure. J’avais été biberonné au Marsupilami et aux documentaires. Je suis tombé de haut.

Cette chute, je l’ai tant aimée, que je suis resté en Amazonie. Je suis basé à Belém depuis cinq ans. Station Amazonie est le prolongement de ce projet de vie.

Diplômé d’HEC, passé par le conseil et le monde de l’entreprise, je suis aujourd’hui indépendant et travaille comme consultant et interprète.


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