le branding de l'Amazonie

Bom dia! Je suis Hugo et j'ai créé cette newsletter pour vous emmener comprendre l’Amazonie avec les gens qui y vivent. Dans cette édition, je vous parle de symbole et de professionnels.

Station Amazonie
5 min ⋅ 17/09/2025

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“nous sommes constamment célébrés en tant que symbole, mais peu considérés en tant que professionnels”

Juliana Miranda est journaliste et travaille pour le Pacte Global de l’ONU pour le Brésil. Le programme offre aux entreprises des programmes de sensibilisation et de formation à des sujets comme le développement durable, l’égalité de genre ou le racisme. 

Elle travaille à Belém, la ville où elle est née. 

“Je côtoie au quotidien des gens qui ont encore une vision romantique de l’Amazonie et qui oublient complètement qu’ici il y a de la forêt, mais qu’il y a aussi des villes, et que ici aussi, il y a des professionnels qualifiés”. 

Celle qui étudie également la désinformation en Amazonie au sein de l’Université Fédérale du Para fait un constat amer. 

Avec l’arrivée de la COP dans quelques mois, les évènements à Belém se multiplient. Mais pas forcément les opportunités professionnelles pour les gens d’ici. 

La chercheuse a publié en juillet dernier un texte sur la plateforme Amazonia Vox. Elle y part de son expérience professionnelle et personnelle pour décrire la manière dont le branding de l’Amazonie peut avoir des effets pervers. 

Son analyse apporte un éclairage nouveau sur la manière dont le monde de l’entreprise s’approprie cette marque et ce qui pourrait en être fait. 

C’est pour cette raison, que cette semaine, je publie une traduction de son texte. 

L’Amazonie, un branding engagé à haute valeur ajoutée : de la forêt vers l’extérieur

(c) Márcio Nagano(c) Márcio Nagano

Un enfant amazonien qui a grandi en écoutant que « ce qui est bon vient de l'extérieur » ne peut s'empêcher de ressentir une certaine fierté en voyant sa culture mise à l'honneur. Si autrefois on nous demandait, péjorativement, s'il y avait des crocodiles dans nos rues, aujourd'hui, on nous félicite d’être né et d’avoir grandi en Amazonie (oui, cela m'est déjà arrivé). Bien sûr, cette glorification est presque toujours chargée du mysticisme et de l'écologie qui entourent l'imaginaire amazonien, et je crois que c'est là que commencent une grande partie des problèmes.

Les professionnels de la communication et du marketing savent bien que l'Amazonie a un impact très fort sur l’engagement, quels que soient les sujets abordés. Et ce n'est pas une mauvaise chose lorsque l'on aborde des sujets importants tels que la désinformation, la justice climatique, la préservation et la biodiversité. Cela devient un problème lorsque la discussion n'est qu'un prétexte pour promouvoir un produit créé dans le but d'engager sur des sujets vides de sens. Pour mener cette réflexion, je vous invite à découvrir le concept de « Marque Amazonie » du professeur Otacílio Amaral.

Grâce à ses recherches sur la région amazonienne et le marché publicitaire, le professeur Otacílio a compris que l'Amazonie pouvait être présentée comme un produit dans divers domaines. Le concept de « Marque Amazonie » est une construction symbolique, culturelle et marketing, créée et renforcée principalement par les médias, la publicité et le marketing environnemental. Cette marque ne fait pas seulement référence à la forêt physique et réelle, mais aussi à une représentation qui mélange des éléments réels et idéalisés de la région. Et cette idée n'est pas récente.

Au milieu des années 1970, le concept de marketing environnemental a fait son apparition dans le monde de l’entreprise. Dans ce contexte, la « Marque Amazonie » s'est imposée comme une ressource commerciale précieuse, qui ajoutait de la valeur aux produits et services. Les articles qui font référence à l'Amazonie sont désormais considérés comme plus durables, naturels et responsables. C'étaient déjà les premiers pas de ce que nous appelons aujourd'hui le « greenwashing ». La marque Amazonie est bien plus qu'un nom ou une référence géographique. Elle représente une combinaison entre l'Amazonie réelle, avec ses peuples, sa biodiversité et les défis auxquels elle est confrontée, et une Amazonie façonnée par le regard du monde, vendue comme synonyme de nature préservée, de durabilité et d'exotisme.

Et tandis qu'à l'extérieur, la marque Amazonie fait bouger les marchés, active les récits et génère des profits importants, ici, nous continuons souvent à jouer un rôle presque invisible dans ce processus. Il existe certes une reconnaissance symbolique de l'importance de l'Amazonie et de ceux qui y vivent, mais cela ne se traduit pas toujours par une valorisation concrète, en particulier lorsqu'il s'agit d'opportunités, d'investissements et de répartition des ressources.

Il est très courant de constater que, lorsqu'il s'agit de choisir des fournisseurs, des artistes, des influenceurs et des professionnels pour participer aux actions, campagnes et projets qui véhiculent l'image de l'Amazonie, le regard se tourne rarement vers celles et ceux qui sont ici. Le discours sur l'importance de valoriser ceux qui vivent dans la région est récurrent, mais dans la pratique, le recours à des services locaux se heurte presque toujours à des justifications telles que le manque de structure, d’offre ou même de « profil adéquat ». Il est curieux de constater que ces obstacles n'apparaissent généralement pas lorsqu'il s'agit d'engager de grandes entreprises extérieures, qui arrivent souvent sans connaître le territoire, mais repartent avec des contrats solides et une grande partie des ressources allouées à ces initiatives.

Cette logique finit par renforcer un cycle dans lequel nous sommes constamment célébrés en tant que symbole, mais peu considérés en tant que professionnels, créateurs, producteurs et entrepreneurs capables de fournir un travail d'excellence. C'est presque comme si l'on disait, même si ce n'est pas verbalisé : vous êtes importants... mais pas tant que ça.

À partir de ce concept de Marque Amazonie, j'invite les lecteurs à réfléchir à la situation actuelle. Nous sommes en 2025, à Belém do Pará, et la COP 30 est sur le point de se tenir. Plusieurs reportages alertent sur le fait que la majorité des Brésiliens ne savent pas ce qu'est la COP. Pour la majeure partie de la population de Belém, ce n'est qu'un événement parmi d'autres. Cette idée erronée concernant la Conférence des Parties est renforcée à l'excès par ceux qui ont des intérêts économiques en jeu (et la Marque Amazonie sert presque toujours de toile de fond à cette idée). La vérité est que la plupart d'entre nous ne comprenons pas vraiment les impacts réels du changement climatique sur nous et sur la planète.

Et c'est précisément dans ce contexte que nous voyons de plus en plus le marché entrepreneurial s'approprier l'image de l'Amazonie pour construire des récits qui ne sont pas toujours, en réalité, engagés dans les transformations nécessaires. La forêt, ses peuples et sa biodiversité continuent d'être utilisés comme toile de fond pour des campagnes, des projets et des événements qui, souvent, renforcent davantage les stéréotypes plutôt que de s'attaquer aux problèmes structurels qui affectent le territoire.

Des termes tels que « zéro carbone », « neutralisation », « ESG » et « bioéconomie » sont largement utilisés, mais dans la pratique, ils apparaissent encore beaucoup plus comme une stratégie de positionnement que comme un engagement réel en faveur de solutions efficaces, cohérentes et, surtout, construites à partir du protagonisme de ceux qui vivent ici. Le débat sur la déforestation, qui devrait être au cœur de tout discours sur l'Amazonie, est souvent traité de manière superficielle, déconnecté de la réalité et des urgences de ceux qui ressentent chaque jour les impacts du changement climatique dans leur propre vie.

Il existe bien sûr des avancées, des initiatives importantes et des personnes engagées. Mais, dans l'ensemble, il est encore évident que la logique du marché privilégie la vente d'une image de l'Amazonie qui enchante, qui engage et qui génère de la valeur commerciale, plutôt que d'assumer la responsabilité de construire réellement des voies qui puissent garantir une forêt debout, une économie durable et une société plus juste pour celles et ceux qui y vivent.

Pendant ce temps, nous continuons à suivre de près les mêmes débats, les mêmes promesses et les mêmes discours qui changent peu au regard des données sur la déforestation, des défis de la bioéconomie, des accords climatiques qui ne dépassent pas le stade des intentions et de l'absence de politiques pour garantir une réelle transition écologique juste et inclusive.

Article écrit par Juliana Miranda et publié initialement le 9 juillet 2025 sur Amazônia Vox.

À propos d’Amazônia Vox : 

Amazônia Vox pense que pour parler de l'Amazonie, il faut connaître ses différentes « amazonies ». En ce sens, il est essentiel que les récits faits sur la région dans la presse soient portés par celles et ceux qui pensent, construisent et vivent le territoire.

La plateforme Amazônia Vox met en relation des experts et des références dans les segments les plus divers, notamment des agents publics, des leaders communautaires, des mouvements sociaux, des chercheurs, des peuples traditionnels, le secteur productif et culturel, entre autres.

La plateforme est disponible en anglais, par ici

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Station Amazonie

Par Hugo Kloëckner

La première fois que je suis allé en Amazonie, je rêvais d’aventure. J’avais été biberonné au Marsupilami et aux documentaires. Je suis tombé de haut.

Cette chute, je l’ai tant aimée, que je suis resté en Amazonie. Je suis basé à Belém depuis cinq ans. Station Amazonie est le prolongement de ce projet de vie.

Diplômé d’HEC, passé par le conseil et le monde de l’entreprise, je suis aujourd’hui indépendant et travaille comme consultant et interprète.


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