Inside la COP : fourmilière ou foire du trône ?

Bom dia! Je suis Hugo et j'ai créé cette newsletter pour vous emmener comprendre l’Amazonie avec les gens qui y vivent. Dans cette édition, je reviens sur mon passage à la COP.

Station Amazonie
3 min ⋅ 03/12/2025

Vue de dedans, la COP c’est une bulle spatio-temporelle, à mi-chemin entre la fourmilière globalisée et la foire du trône.

Tout naturellement, la Guyane est venue en voisine et en nombre pour cette première COP amazonienne.

Depuis six mois, j’accompagne la Représentation permanente de la Collectivité Territoriale de Guyane à Belém pour renforcer sa diplomatie territoriale au Brésil.

Je travaille aussi avec Guyane Développement Innovation (GDI) pour lancer un Réseau des incubateurs pan-amazoniens (RIPA) dédiés à la bioéconomie.

C’est à ces deux titres que j’ai participé à au grand raoût annuel de la diplomatie climatique.

la traditionnelle photo de famille, avec les Chefs d'Etats, tous (ou presque) repartis aussi sec (c) Hermes Caruzola traditionnelle photo de famille, avec les Chefs d'Etats, tous (ou presque) repartis aussi sec (c) Hermes Caruzo

Très concrètement, j’ai passé 10 jours à courir de réunions en table ronde et cocktails pour accompagner la délégation guyanaise. Je n’ai pas vu grand-chose des négociations.

Car la Zone bleue, qui concentre toutes les attentions, est divisée en deux.

D’un côté un gros couloir avec des salles de réunion et des grandes salles pour les plénières. C’est là que les diplomates négocient.

De l’autre, 150 pavillons de pays et organisations qui servent de show-room aux idées pour sauver la planète. Y ont lieu des tables rondes. Et occasionnellement des distributions de goodies pour attirer le chaland (gros succès des peluches de panda au pavillon chinois).

Table ronde sur l'usage des données pour la protection des forêts au Congo et en Amazonie, au Pavillon France (c) archive personnelleTable ronde sur l'usage des données pour la protection des forêts au Congo et en Amazonie, au Pavillon France (c) archive personnelle

Et partout, dans les couloirs et entre les pavillons, des activistes, des lobbyistes, des gouverneurs, des journalistes, des chefs traditionnels, des ministres, des scientifiques, des chefs d’entreprise et j’en passe.

Tout ce beau monde est venu peser sur les négociations mais aussi pour se rencontrer et faire avancer ses propres dossiers.

Pour la Guyane en particulier, cette COP présentait deux atouts majeurs : une visibilité accrue des défis du territoire amazonien et de ses acteurs, et une présence forte des décideurs de la pan-amazonie.

Une opportunité de taille pour faire avancer les sujets de la coopération régionale.

Rencontre "fortuite" au détour d'un couloir entre le Gouverneur de l'Amapa (État brésilien frontalier avec la Guyane) et le Premier Vice-Président de la Collectivité Territoriale de Guyane (c) archive personnelleRencontre "fortuite" au détour d'un couloir entre le Gouverneur de l'Amapa (État brésilien frontalier avec la Guyane) et le Premier Vice-Président de la Collectivité Territoriale de Guyane (c) archive personnelle

Mais l’avant dernier jour de la COP, le jeudi, le soufflé est retombé d’un coup.

Un incendie s’est déclaré.

Rapidement maîtrisé, il a eu une conséquence : tous les événements hors négociation ont été suspendus. Exit les tables rondes et réunion dans les couloirs.

Mis au chômage technique, j’ai pu profiter du vendredi pour aller assister aux négociations.

L'enquête est en cours mais le coupable serait un micro-onde entré clandestinement (c) Capture d'écran globonewsL'enquête est en cours mais le coupable serait un micro-onde entré clandestinement (c) Capture d'écran globonews

C’est l’une des particularités de l’exercice des COP : certaines réunions de négociations sont ouvertes au public de la zone bleue.

Trop heureux de voir de l’intérieur les rouages onusiens, j’ai plongé tête baissée dans la première salle où on a bien voulu me laisser rentrer.

C’est ainsi que j’ai pu assister à la réunion de révision du Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages.

Voté en 2013 lors de la COP de Varsovie, ce dispositif aide les pays vulnérables à faire face aux conséquences des catastrophes naturelles (inondations, tempêtes etc.).

Sur le fond, je n’ai rien compris.

Entre l’anglais technique parlé à toute vitesse et les 10 jours de surmenage, je me suis joyeusement laissé porter par le courant en prenant un air inspiré.

La Chine voulait changer une virgule de place, le Vanuatu (un État insulaire du Pacifique qui sera bientôt submergé) disait en substance « les gars, ce serait bien d’avoir un accord, parce que nous on coule ».

Statue de Trump à l'entrée de la Zone bleue et derrière des patinettes électriques pour la mobilité douce (c) Archives personnellesStatue de Trump à l'entrée de la Zone bleue et derrière des patinettes électriques pour la mobilité douce (c) Archives personnelles

La réunion durait déjà depuis un bon bout de temps et visiblement, ça bloquait dans la dernière ligne droite.

La séance a été suspendue. Plusieurs heures.

À ce moment-là, les discussions se sont déplacées dans les couloirs et les groupes WhatsApp.

La négociation, c’est de la négociation : on n’a rien sans rien. Alors, les pays se regroupent par groupes d’intérêts et mesurent leurs forces.

Et à la COP, c’est le consensus.

Sous la Présidence du Brésil, chacun avance ses pions pour au final signer (ou pas) un accord qui doit être validé par 100% des participants.

À l’heure des guerres commerciales de Trump, du retour de la Guerre tout court, de la montée de l’extrême droite et de l’explosion de la dette publique, c’est pas simple.

Mais droit devant, un iceberg. Et pour le rappeler (ou le relativiser, c’est selon), les couloirs sont remplis d’activistes et de lobbyistes.

La salle de négociation (j'ai le même sac à dos que la négociatrice chinoise à droite) (c) archives personnelles La salle de négociation (j'ai le même sac à dos que la négociatrice chinoise à droite) (c) archives personnelles

Au bout d’un moment, la séance a repris. Le Chili s’est levé et a fait une proposition pour mettre tout le monde d’accord.

S’en sont suivies de longues secondes et puis…

La Présidence brésilienne a tapé du marteau et a dit : la révision est adoptée.

Alors, les diplomates se sont tous levés et ont commencé à taper des mains et à s’embrasser.

L’Arabie Saoudite a pris dans les bras le Chili, la Nouvelle Zélande a fait un selfie avec le Danemark et le Vanuatu s’est mis à rire à gorge déployée avec l’Union Européenne.

Je suis rentré chez moi en patinette électrique, épuisé mais le cœur léger, glissant dans la moiteur de Belém — cette cité amazonienne vouée à devenir la deuxième ville la plus chaude du monde en 2050.

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Par Hugo Kloëckner

La première fois que je suis allé en Amazonie, je rêvais d’aventure. J’avais été biberonné au Marsupilami et aux documentaires. Je suis tombé de haut.

Cette chute, je l’ai tant aimée, que je suis resté en Amazonie. Je suis basé à Belém depuis cinq ans. Station Amazonie est le prolongement de ce projet de vie.

Diplômé d’HEC, passé par le conseil et le monde de l’entreprise, je suis aujourd’hui indépendant et travaille comme consultant et interprète.


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